lundi 3 octobre 2022

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En fait, c'est ça que je trouve qui a changé par rapport à avant, c'est le fait maintenant d'être en conflit, en "froid" ou tout autre mot équivalent avec des gens "biens", dont je partage par ailleurs les valeurs.

Ça m'était déjà peut-être arrivé un peu mais pas à ce point là et puis il y a eu cette période où j'avais l'impression de naviguer et de savoir où j'allais avec une boussole "morale", un minimum en tout cas. Alors oui je n'étais pas appréciée et même voire franchement rejetée par les meufs dans mon 2e boulot mais c'était des électrices de Sarkozy voire de Marine et qui harcelait à bride rabattue ma collègue C. alors finalement quelque part c'était presque rassurant de ne pas en avoir été appréciée.

Mais maintenant c'est différent, je me fritte (toujours insidieusement, jamais au grand jour) avec des gens que j'estime pourtant. 

Bonjour les névroses là aussi ! Pourquoi, comment c'est donc possible ? Est-ce que je suis tout simplement en train de devenir plus égocentrique, autocentrée et susceptible que jamais ? Peut-être, ou peut-être que je perds pieds, que je dérive. Ceci étant, j'ai l'impression que ma vie n'a été qu'une longue dérivation depuis le début que c'est difficile de savoir.

C'est dur au boulot, ça l'a toujours été, certes, où que j'aille et quoi que je fasse.

Mais aujourd'hui c'est dur de se dire que quand C. n'est pas là, j'ai personne avec qui manger, que j'ose même plus retourner à la cantine avec les autres.

J'ai quand même bien merdé sur ce coup là encore une fois, même si ça parait être des histoires dignes du collège, je crois que ça n'en est pas du tout.

J'aurais du persister avec eux à la cantine ou alors dire clairement "je n'y mange plus pour telle et telle raison" au lieu de me retirer sans rien dire. Moi aussi je trouverais ça moyen au final que quelqu'un qui venait bouffer avec nous régulièrement ne vienne plus du jour au lendemain sans rien, ni explication ni merci ni rien ni merde.

Alors certes, y a eu les confinements et après, quand la cantine a ré-ouvert, il est authentique que je n'osais même plus y retourner avec eux (à 35 ans !!!).

Mais ça m'a bien arrangé aussi quand C. et E. sont arrivés ensuite dans mon bureau de rester bouffer avec eux et de ne plus faire l'effort d'essayer de me greffer au groupe qui allait à la cantine. Et maintenant les gens me voient certainement comme une profiteuse pas fiable (ce que je suis probablement) et je dois porter ma croix trois jours par semaine. J'ai merdé, à un point qui me donne envie de me taper littéralement la tête contre les murs, de ne plus retourner au boulot, de changer de service, voire de vie.

Le psy m'a refait son speech sur mon frangin "si ça se trouve, lui aussi n'ose plus communiquer avec vous". Alors certes mais je n'y crois pas du tout, enfin bon on est certes tous différents mais je ne me sors pas de cette colère lancinante même si le psy est sympa et probablement qu'il hallucine de ce que je lui raconte (je lui ai même pas encore parlé de la cantine pourtant, rires jaunes !!).

Plus que 3 mois avant Noël, ça va être funky ça aussi. Ma mère me couvre de cadeaux, mon père est toujours aussi en dents de scie.

J'ai appelé il y a deux semaines, et il a décroché avec un magnifique "bon alors qu'est ce qui se passe ??" sur un ton agressif alors que là, je l'ai eu dimanche et il était sympa, me demandant même comment ça allait au boulot (à lui aussi, j'aurais du lui parler de la cantine).

Je m'en sors plus. J'ai juste envie de m'occuper d'oiseaux ou d'hérissons ou de n'importe quel autre animal à poils, à plumes ou à écailles, d'aller au cours de guitare du beau gosse et au rugby.

Je me sens dans une terrible solitude mais je n'ai d'égards pour personne alors comment les relations peuvent-elles fonctionner ? Elles ne le peuvent pas. Les gens m'emmerdent et m'intéressent à la fois, je sens leur beauté et leur bonté mais je n'arrive pas à me connecter avec eux pour autant.

Le drame de l'incommunicabilité dans la société moderne, un téléphone qui sonne dans le vide...

Je pense qu'il y a quelque chose d'irrémédiablement détruit dans ma tête, qui m'empêche d'aller vers les autres. Il y a ce modèle paternel dont je parlais avec C. l'autre jour justement. Pour moi, il est normal et même habituel de vivre avec les autres sans leur parler mais justement, année après année, je me rend compte à quel point ça ne fonctionne pas. "Une drôle de façon d'aimer les gens" comme disait le psy.

4 commentaires:

  1. Difficile de verbaliser un mal-être, difficile de mettre des mots sur ce qu'on ressent, la peur d'être jugée, d'être incomprise, mal vue etc. c'est sans doute pour cela que tu as quitté le groupe cantine sans rien dire... je comprends ton attitude, tu ne sais plus sur quel pied danser et tu as toujours l'impression que le résultat est mauvais. Je ne sais pas trop comment t'aider, à part te dire de te confier et ne pas rester seule. Je sais que pourtant, dans ces moments-là, on a ENCORE plus envie de rester seule. Mais au final, c'est un peu ce que j'ai fait et aujourd'hui, je n'ai (presque) personne que je peux aller voir quand je vais mal. Je pense qu'il faut se forcer pour vaincre cette spirale... courage !

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    1. Merci Zofia pour tes mots, oui c'est tout à fait ça...C'est compliqué de dire des choses et encore plus quand le temps passe, et encore plus qu'on on a l'impression que c'est insignifiant (alors que non). Franchement, oui, je me dis que ce serait très difficile aujourd'hui de dire les choses...Mais effectivement, c'est une spirale...(PS : tu peux m'écrire si tu as besoin de te confier, promis !).

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  2. Oui, ça m'a un peu coûté et j'avais répété dans ma tête puis j'avais eu le conseil de la collègue sur la première phrase et au final ça s'est bien passé, je me suis excusée, j'ai dit que je m'étais pas rendue compte sur le moment mais qu'en réécoutant c'était flagrant, et puis voilà. Je me souviens pas trop de comment ça s'est passé, je sais juste que le gars a accepté mes excuses et que les rapports étaient sensiblement moins froids/tendus après.

    Je trouve que c'est difficile d'être adapté aux relations humaines parce que ça dépend aussi du contexte et tout puis des gens eux-mêmes. Genre mon chef arrêtais pas de dire au début qu'il cherchait pas un employé mais un collègue et de fait, même si c'est mon chef, on se parle aussi des fois plus librement plus comme des collègues, quoi, y a ce truc bizarre et genre les premiers jours je savais pas si je devais l'appeler chef ou par son prénom et régulièrement ça arrive qu'il me dise "vous ne devriez pas me dire ça, je suis votre chef quand même" bah ouais mais mon gars, faudrait savoir ce que tu veux ! Et du coup c'est vrai que c'est difficile pour moi de savoir où me placer et des fois ça se ressent par des trucs qui m'échappent et que je dirais pas face à un chef. Donc des fois le problème vient pas forcément de nous.

    J'écoutais ses chroniques quand l'émission Les Carnets du monde existait encore et à chaque fois il y avait un moment où il disait "quand j'étais au Yémen pour..." "quand j'étais en Russie..." genre le gars est allé PAR-TOUT ! C'est incroyable !

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  3. Alors là pour ton chef, je te rejoins totalement, on ne peut pas non plus tout contrôler...Les autres aussi finalement peuvent avoir leurs aspects pas clairs, ou pas compréhensibles...et effectivement entre "je cherche un collègue" et "ne me dites pas ça, je suis votre chef" il y a une contradiction qui peut être complexe à cerner !!!

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